Texte par Eve Hoquidant, adjointe aux communications
Vendredi 5 mai 2023, Longueuil QC
En avril, le New York Times a publié une enquête retentissante, mettant en lumière l’attitude de l’administration Biden concernant l’exploitation au travail des enfants migrants. L’article intitulé « Alors que les enfants migrants étaient mis au travail, les États-Unis ont ignoré les avertissements« (1) rapporte que des responsables gouvernementaux américains ont été avertis que des enfants migrants non accompagnés étaient exploités dans des emplois dangereux dans des entreprises agricoles et d’autres industries. Selon des sources anonymes citées dans l’article, ces avertissements ont été ignorés et les enfants ont continué de travailler dans des conditions précaires et dangereuses.
De nombreux avertissements ignorés
Le Times a mené une enquête révélant que plus de 250 000 enfants migrants sont arrivés seuls aux États-Unis au cours des deux dernières années. Malheureusement, des milliers de ces enfants ont été exploités dans des emplois punitifs tels que travailler la nuit dans des abattoirs, remplacer des toits ou faire fonctionner des machines dans des usines, en violation des lois américaines sur le travail des enfants. Après la publication d’un premier article en février, la Maison Blanche a annoncé des changements de politique et promis de prendre des mesures contre les entreprises qui embauchent des enfants. Cependant, tout au long de cette situation, il y avait des signes évidents de l’augmentation rapide de cette main-d’œuvre vulnérable que l’administration Biden a ignorés ou négligés, selon le Times.
Une conséquence directe de la crise engendrée par la COVID-19 dans les pays d’Amérique latine
Au cours de la dernière année fiscale aux États-Unis, le ministère du Travail a identifié 835 entreprises qui ont enfreint les lois sur le travail des enfants, en faisant travailler illégalement 3800 enfants. De plus, une hausse de 26% des enfants embauchés sur des postes dangereux a été constatée, une tendance alarmante marquant un recul du respect des droits des enfants aux États-Unis. Ces tendances sont directement liées à l’augmentation de l’afflux d’enfants venant d’Amérique latine pour fuir la violence ou la pauvreté dans leur pays d’origine, la plupart d’entre eux arrivant seuls et sans parent aux États-Unis.
La pandémie de COVID-19 a par ailleurs significativement déstabilisé l’équilibre économique déjà fragile de certains pays d’Amérique latine comme le Vénézuela ou le Guatemala et dans le même temps l’administration Biden a décidé, une année après le début du confinement, de lever les restrictions d’immigration liées à la Covid. Ce contexte plus que favorable à l’immigration des enfants aux Etats-Unis a pourtant été anticipé par notamment des groupes de défense des droits des migrants qui ont tenté de sensibiliser l’opinion publique à cette question et de faire pression sur le gouvernement pour qu’il prenne des mesures pour protéger les enfants migrants contre l’exploitation.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), responsable de vérifier que le bien-être des enfants migrants est assuré par leurs parrains et marraines attitré.es chargé.es de les protéger contre la traite ou l’exploitation, a commencé à assouplir certaines restrictions de contrôle alors que les refuges se remplissaient d’enfants dès la levée des restrictions. Le Times révèle dans son article qu’au sein même du ministère, des membres du personnel de longue date se sont plaints que les changements dû à ces assouplissements, qui trahissent l’incapacité du gouvernement à gérer cette situation post-pandémie, mettaient en danger les enfants.
Une situation scandaleuse à toutes les échelles
Au-delà de l’exploitation de cette « main-d’œuvre de l’ombre », c’est un véritable scandale politique, social et économique que le Times met en lumière, face auquel il ne faut pas rester indifférent. Les enfants sont recrutés par certaines des plus grandes entreprises du pays, ainsi que leurs fournisseurs, notamment Walmart, Target, Ben & Jerry’s, Fruit of the Loom, Ford, General Motors et J.Crew(2). La plupart d’entre eux ont été embauchés avec de faux documents d’identité et peu osent signaler les abus aux autorités compétentes, car ils ont souvent des parents restés dans leur pays d’origine qui dépendent d’eux pour survivre. Ils doivent également parfois rembourser les coûts liés à leur passage illégal à la frontière et payer leur loyer. De plus, bien que ces enfants aient franchi illégalement la frontière avec le Mexique, ils ne sont pas restés incognito. Les États-Unis leur ont accordé l’asile et théoriquement, une protection. Ils ont d’abord été placés dans un foyer du HHS puis remis à une famille d’accueil qui se porte garante de leur prise en charge.
Impossible donc que l’administration Biden ait pu passer à côté d’un tel phénomène. Bien que le Times ait publié une enquête en février et que des promesses du côté du gouvernement aient été faites pour renforcer les contrôles et les sanctions sur l’interdiction du travail des mineur.es, les signes d’une augmentation massive des emplois pénibles occupés par des enfants sont toujours aussi préoccupants.
(1) New York Times, 17-04-23, As Migrant Children were put to work, U.S. ignored warnings.
(2) New York Times, 28-02-23, Biden Administration Plans Crackdown on Migrant Child Labor.